Le Conseil d’Etat français rejette les demandes de l’Etat belge

15 Juil, 2023Atelier Anonymus1 commentaire

Le 10 juillet 2023 le Conseil d’Etat français rejetait les demandes de l’Etat belge et autres contre la décision du 10 mai 2021 des maîtres d’ouvrage ; la société Eoliennes en Mer de Dunkerque (EMD) et le Réseau de Transport d’Electricité (RTE) de poursuivre le projet d’implantation d’un parc éolien en mer du Nord au large de Dunkerque. Si le combat est logiquement perdu sur ce point, les opposants belges ne disposent-ils pas d’une arme préjudicielle puissante pouvant contraindre suffisamment les ambitions du gouvernement français voire l’inviter à renoncer au projet ?

La lutte continue et nous pouvons aider efficacement la Belgique dans son combat qui est aussi le nôtre.

 

Un arrêt du Conseil d’Etat en toute logique juridique et sans surprise

Le Conseil d’État a rendu un arrêt le 10 juillet 2023 déboutant l’Etat belge et autres de leurs demandes au tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 mai 2021 des maîtres d’ouvrage, la société EMD et RTE de poursuivre le projet d’implantation d’un parc éolien en mer du Nord au large de Dunkerque.

La société Port d’Ostende a posé une question préjudicielle de temporalité de la procédure de participation du public relevant la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) alors que le simple fait qu’elle soit organisée « en amont » du dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter un ouvrage la définit suffisamment « dans le temps » vis-à-vis de celle-ci.

Le Recours pour Excès de Pouvoir (REP) de l’Etat Belge sur la conventionnalité du régime juridique français de consultation de la Belgique n’avait pas plus de chance d’aboutir devant le Tribunal Administratif (TA) de Lille au regard de l’application de la directive 2011/92/UE.

Le président du TA de Lille a donc logiquement transmis le dossier au Conseil d’Etat (CE) pour instruction.

Il est constant que la décision de la poursuite du projet éolien de Dunkerque n’est que la conséquence du débat public. Cette procédure de consultation ne peut donc être contestée que du fait de ses propres vices et irrégularités et non par la présentation de moyens qui sont recevables à être évoqués seulement contre les décisions administratives qui l’autorisent à l’aboutissement de la procédure.

 

Des signatures apposées antérieurement à la date de création de l’acte administratif

Il est tout de même gênant que la date des signatures des auteurs de la décision soit antérieure à la date de la décision elle-même et non simultanée à celle-ci.

« Cela créé un anachronisme procédural » même si le CE estime qu’en dehors de tout fait pouvant remettre en cause le sens de celles-ci dans ce laps de temps, cet anachronisme est dépourvu d’incidence légale.

La contestation de l’absence de publication en Belgique de la décision de poursuite du projet éolien de Dunkerque est sans fondement juridique et de plus factuel puisqu’elle a fait l’objet d’une publication dans deux journaux Belges ; un Flamand et un Wallon.

La mise en place d’outils de concertation et de communication en lien avec les enjeux transfrontaliers du projet dans le cadre de sa poursuite contredit l’argumentaire des requérants.

Les opposants au projet ne sont pas fondés à appuyer leurs dires sur la directive concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, qui ne trouve à s’appliquer procéduralement que postérieurement aux dispositions du Code de l’environnement français en cause dans cette concertation préalable.

Le CE relève justement qu’elle n’a pas pour objet de régir ce débat public.

Le CE juge que les concertations locales associant les autorités et citoyens belges menées en 2014 sur la zone d’implantation du projet remplissent les conditions imposées par l’article 6 §4 de la convention d’Aarhus.

 

Influence de la crise sanitaire de la COVID-19 sur la concertation du public

Pour que l’argumentation de la société Port d’Ostende de l’influence majeure de la crise sanitaire de la Covid-19 sur la concertation porte, il lui aurait fallu verser des éléments de présomption, ou mieux de preuve que les circonstances sanitaires exceptionnelles et les limitations des modes d’accès à la concertation et de participation du public pouvaient entâcher la régularité de celle-ci au regard des obligations imposées par les dispositions du Code de l’environnement, définissant les conditions et les limites de l’application de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Cette voie n’était pas forcément illusoire juridiquement, mais demandait un travail factuel très approfondi. Un membre de l’Atelier Anonymus a connu un professeur es droit public renommé qui enseignait à ses étudiants que : « Au-dessus du Droit il y a le politique ».

Cette assertion l’a choqué jusqu’à ce que dans sa vie professionnelle, il en comprenne le sens et toute la profondeur en dehors des circonstances d’élaboration des lois et règlements.

 

Une décision de localisation du projet hors de la concertation et du débat public

La querelle juridique sur la non consultation du public en 2014 sur le choix de la localisation de la ou des zones potentielles ne pouvait pas plus aboutir du fait du principe de la non-rétroactivité des lois qui, en l’occurrence, trouve à s’appliquer.

Mais dans ce cas, comment soutenir qu’à l’époque le choix de la localisation était discutable dans le cadre de la concertation puisque ce n’était pas le cas ?

On peut mettre au crédit de l’Etat Belge et autres, que lors du débat organisé en 2020 la localisation du projet au large de Dunkerque n’était plus réellement discutable. Elle ne l’a donc jamais été. Ni en 2014, ni en 2020 pour des raisons différentes liées au cadre juridique successivement applicable. Une belle leçon de démocratie participative « à la française ».

En aparté, il est par ailleurs loisible de s’étonner du caratère dérogatoire à certaines dispositions juridiques importantes du Droit français, qui dispense les porteurs de projets et maîtres d’ouvrages de raccordements éoliens en mer alors que d’autres y sont exposés.

Ce caractère « exorbitant du Droit commun » est gênant à de nombreux égards, mais le gouvernement français n’est pas novice en la matière et la litanie des « passe-Droit » éoliens accumulés est de bien triste augure, tant envers l’exercice de la démocratie, que contre la protection de l’environnement océanique et terrestre, ainsi que la sécurité alimentaire et sanitaire de la population française.

 

La Transition énergétique ennemie de la Transition écologique

Mais rien ni personne ne doit pouvoir s’opposer à l’industrialisation massive de la mer du Nord qui est posée, tout comme les autres mers françaises sur « l’étal sacrificiel » d’une transition énergétique toute puissante, quitte à faire échouer lamentablement la transition écologique qui est le pilier-maître de la soutenabilité du vivant.

Il est aussi notable que le dossier soumis au public était incomplet, tout comme le sera celui de l’Etude d’Impact (EI) puisqu’aucun point zéro existe ; tant pour les constituants chimiques et les technologies utilisées dans la fabrication des éoliennes, que pour l’ensemble des installations industrielles connexes ou annexes donc, par conséquences, pour la totalité des effets et impacts chimiques, physiques et biologiques sur l’écosystème marin de la mer du Nord.

Le futur parc éolien en mer de Dunkerque ne tient évidemment pas compte des effets cumulés avec les parcs éoliens belges puisqu’il n’existe pas.

Par contre, l’article sur les « effets de sillages » lisible sur ce site donne une petite idée qualitative de leur variété, et des lacunes d’études scientifiques qui empêchent une vision « réellement objective » de ces effets cumulés. D’autant plus, est-il nécessaire de le rappeler, que les nouveaux méga-modèles d’éoliennes en mer vont multiplier l’intensité de ces effets et des impacts.

 

Comme un air de revanche à venir pour la Belgique

C’est sur cet axe que l’Etat belge pourra appuyer puissamment son argumentation lors de futurs combats contre l’implantation du parc français.

Il doit se préconstituer les preuves de l’état initial de production de ses parcs qui seront « sous le vent turbulent » dominant du parc de Dunkerque afin de discriminer ce qui relèverait des conséquences financières dues à l’implantation et au fonctionnement de celui-ci des autres facteurs locaux, et de leurs évolutions spatio-temporelles. Ardu.

Il serait même souhaitable que l’Etat Belge fasse procéder par simulations algorithmiques bien que l’on sache leurs fragilités …

Ces estimations, si elles faisaient apparaitre des « manques à gagner » suffisamment impactants pour la Belgique ; pertes de production électrique éolienne liée aux effets de sillages cumulés, impacts halieutiques, déroutement de trafic maritime … tous cumulés financièrement, constitueraient des moyens de pression exploitables en amont de la décision finale française, et en aval devant les juridictions.

La Belgique a beaucoup à perdre de l’installation d’un premier parc éolien en mer en face de Dunkerque, là où il est localisé. D’autant plus que la France va approuver début 2024 une Zone Prioritaire d’Installation des Eoliennes en Mer (ZPIEM), qui aura vocation à regrouper plusieurs parcs éoliens, puis à proximité, d’autres installations industrielles énergétiques.

 

Des pertes financières considérables

Le niveau financier des impacts cumulés dommageables peut-il faire prendre conscience au gouvernement français de l’inutilité de courir le risque que constituerait un « bras de fer juridique » avec la Belgique, et accepter le déplacement demandé du projet de parc ?

Si les critiques belges sur l’insuffisante prise en compte du caractère transfrontalier du projet, et de ses conséquences sur l’environnement, voire l’existence d’une discrimination fiscale à l’encontre des communes belges ne pouvaient qu’être écartées par le CE, puisqu’elles visent le bien-fondé du projet, nul doute que suite à la décision favorable du gouvernement français, il en sera tout autrement.

Préjudicier à un Etat voisin par le développement de parcs éoliens sous les vents dominants, qui lui permettent de produire massivement de l’électricité, et par ce moyen nuire gravement au maintien de la rentabilité de parcs antérieurement fonctionnels, n’est après tout, pas une si bonne idée.

Gageons que la Belgique défendra assidûment et avec acharnement ses intérêts devant les juridictions nationales et la CJUE.

Elle est un allié des associations françaises et de la population opposées à ce projet tout comme l’Atelier Anonymus qui est un grand ami de la Belgique et d’une autre vision de la France en devenir.

Le chargé de communication de l’Atelier Anonymus,

Chrystophe Grellier

Arrêt du Conseil d'Etat

Droit de réponse du Gouvernement Belge

Bonjour Chrystophe,

Nous avons pris connaissance de l’arrêt du Conseil d’Etat français. L’introduction de ce recours était une étape nécessaire pour sauvegarder nos droits.

Par ailleurs, nous sommes toujours en pourparlers avec le gouvernement français pour parvenir à une solution concertée et nous poursuivons donc ce dialogue de manière constructive.

Nous participerons également à l’enquête publique prévue cet automne.

#TeamJustitie

Met vriendelijke groeten,

Maxim Laporte

Adviseur Communicatie – Conseiller Communication

 

 

Vincent VAN QUICKENBORNE

Vice-eersteminister en minister van Justitie en Noordzee
Vice-Premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Finance Tower

Kruidtuinlaan 50 bus 65 B-1000 Brussel

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