Acceptabilité du parc éolien de Dunkerque

4 Sep, 2023Atelier Anonymus4 commentaires

Voir le parc éolien de Dunkerque de la côte aurait des incidences ; esthétiques, paysagères, psychologiques, touristiques mais l’éloignement du parc ne voudrait pas dire « loin des yeux, loin du cœur » pour les opposants que nous sommes.

 

Acceptabilité du parc éolien de Dunkerque et vision de l’horizon lointain

L’acceptabilité sociétale des projets éoliens en mer ne repose pas uniquement sur la limitation ou l’absence de visibilité des machines industrielles, voire « la sanctuarisation de la ligne d’horizon » (D. Guenniche). Heureusement.

« Etre plus ambitieux sur le plan de la puissance » (D. Guenniche) peut s’entendre de plusieurs manières ;

  • soit on augmente le nombre de machines de moyenne puissance
  • soit on augmente nettement la puissance des machines, quitte, peut-être, à en diminuer le nombre

 » Certes, les grandes éoliennes produisent plus de puissance à l’unité. Mais comme il faut les éloigner les unes des autres pour éviter les interférences aérodynamiques, la puissance installée à surface donnée n’est pas supérieure à celle obtenue par des éoliennes plus petites mais plus proches ».

Cette réflexion de monsieur Djillali Guenniche, ingénieur aéronautique, paraît éminemment juste et pose incidemment la question centrale des superficies et volumes océaniques réellement nécessaires au développement éolien massif tel qu’il est intégré à la PPE et à son développement encore accentué dans sa future version ou soutenu par le Réseau de Transport d’Electricité (RTE).

 

Eloigner les parcs éoliens et passer au courant continu est-il mieux pour l’environnement ?

Il est tentant d’éloigner les parcs et d’utiliser le courant continu pour transférer sur de plus longues distances l’électricité produite par les parcs éoliens avec moins de pertes qu’en courant alternatif. Cela est rendu encore plus efficace par les avancées technologiques majeures de l’électronique de puissance et facilite l’interconnexion et le développement des super-réseaux.

Après 60 kilomètres de lignes sous-marines vers la côte, l’importance du courant alternatif capacitif le déclasse par rapport au transport énergétique en courant continu. Les pertes sont plus faibles.

 

Est-ce pour autant que l’éloignement des parcs éoliens et l’usage du courant continu diminuent les effets et impacts écosystémiques ? En nature et en intensité ?

Car après tout, augmenter considérablement les distances de câblages augmente aussi les pertes en contact avec plus de fonds marins, avec plus de bactéries magnétotactiques, plus de flore et de faune vagile ou sessile. Cette dernière est plus exposée aux effets thermiques et magnétiques, alors que les espèces vagiles, par exemple, des crustacés décapodes mâles « hivernent » au contact des câbles ou sous leurs protections et les femelles à poche incubatrice restent plusieurs mois à leur contact ou proches. Les risques sont plus faibles si les câbles sont ensouillés à bonne profondeur, mais c’est plus cher.

Plusieurs publications ont démontré les risques tératologiques et de malformations non léthales chez le homard européen (homarus gammarus) et le crabe tourteau (Cancer pagurus). D’autres, des effets chez des poissons, des mollusques bivalves ou nudibranches.

 

Au su de l’évolution climatique et de l’effondrement de la biodiversité terrestre est-il judicieux d’incrémenter les nombreux effets et impacts physiques, chimiques et biologiques issus des parcs éoliens ?

S’agissant d’invertébrés, ne régulant pas leur température interne donc poïkilothermes, dépendants de la température du milieu pour leur activité hivernale, la sédentarité et la possible attraction électro-magnétique des câbles font que les larves dont la durée de développement est aussi dépendante de la température (en degrés-jours) mettent plusieurs mois à passer leurs différents stades larvaires avant leur libération.
Donc non seulement, le risque d’exposition de ces stades critiques pour les cycles spécifiques est de longue durée, mais encore, « le risque d’effets de surprise » lié aux reprises successives de production sur la biologie des espèces « au contact » des câbles n’a pas été étudié avant de décider d’industrialiser massivement l’océan mondial.

Il faut garder à l’esprit que les parcs éoliens, « grâce ou à cause » du renouvellement possible des aérogénérateurs à l’issue de la première phase d’exploitation, selon que l’on y est favorable ou non, pourront rester fonctionnels pendant au moins cinquante ans.

Alors, un champ magnétique induit de 26 micro Tesla à un mètre d’un câble sous-marin transportant du courant continu n’est pas anodin, d’autant plus pour des espèces qui en sont beaucoup plus proches.

Il faut aussi retenir que nos connaissances sont très limitées sur les fonctions physiologiques de champs électriques et magnétiques sur les microbiotes, les végétaux, les algues et les animaux marins.

Si les élasmobranches (requins et raies) ont été plus précisément étudiés du fait d’organes dédiés à leur détection pour des raisons alimentaires ou comportementales, ce n’est pas le cas de l’immense majorité des autres taxa.

On ignore les impacts du champ magnétique statique émis en courant continu par les câbles sous-marins issu des éoliennes en fonctionnement sur le vivant océanique qui peu ou prou est sensible, voire utiliserait des gammes de champs bien inférieures à 26 microTesla pour ses fonctions biologiques.

Il faut tenir compte de l’internalisation organique de particules magnétiques ou paramagnétiques dont la physiologie pourrait être perturbée par ce champ statique.

On n’ose imaginer dans quel état seraient les habitats, les espèces, donc les ressources halieutiques et les pêches … dans vingt cinq, voire cinquante ans.

 

Course au gigantisme et zones d’exclusion de la pêche professionnelle

Cette réflexion implique également des conséquences importantes pour la pêche professionnelle en cas d’exclusion stricte ou même de simple limitation des arts trainants, voire dormants, utilisables dans le parc.

Comme il n’est pas question pour des raisons de politiques industrielles et de rendements énergétiques et financiers, d’installer des parcs mixtes, c’est toujours vers l’augmentation de la puissance nominale des modèles d’aérogénérateurs que les industriels et les porteurs de projets se dirigent.

Les effets de sillages primaires et secondaires dont des impacts biologiques sont en cours d’étude dans plusieurs laboratoires européens ne sont même pas estimés pour des modèles d’aérogénérateurs de 5,6 MW que déjà les modèles de 14 MW tournent et qu’un modèle de 21 MW est testé en mer. D’autres plus puissants suivront car les limites physiques et technologiques ne sont pas encore atteintes et les dernières peuvent être repoussées.

 

Mise en garde liée aux lacunes scientifiques et aux particularités locales

Nous mettons en garde les porteurs de projets, les industriels et le gouvernement français sur l’augmentation non qualifiée ni quantifiée des effets et impacts environnementaux non mesurés préalablement à cette industrialisation massive des côtes françaises.

Les impacts physiques, chimiques et biologiques seront d’autant plus forts en Manche à cause de la faible bathymétrie et des risques que des modifications des dynamiques sédimentaires et courantologiques, que l’augmentation de la durée de la stratification des masses d’eau feront peser sur le plancton et l’ensemble des chaînes trophiques.

L’éloignement des côtes n’est pas une solution sur ce point et bien d’autres.

 

Un automne chargé pour les opposants au projet éolien en mer de Dunkerque

La Planification Spatiale Marine qui sera approuvée en 2024 dans le cadre des évolutions des Documents Stratégiques de Façades maritimes (DSFm) devrait, il faut au moins l’espérer, mieux tenir compte des contraintes environnementales et des activités marines préexistantes aux localisations prioritaires éoliennes qui seront définies parallèlement dans une autre procédure. D’autres installations d’Energies Renouvelables Marines (ENr-m) viendront ensuite s’y greffer.

L’automne sera une saison particulièrement chargée pour les opposants au projet de parc éolien en mer de Dunkerque puisqu’ils auront à faire à;

– l’enquête publique sur le projet

– la procédure de redéfinition du contenu du DSF Manche est – mer du Nord; et à celle de;

– la détermination des zones prioritaires éoliennes en mer.

Donc trois procédures à gérer concomitamment ou imbriquées dans un espace-temps contraint. Il sera indispensable d’estimer les cohérences entre les contenus de ces trois dossiers et leurs conséquences globales pour l’avenir.

Nous vous suggérons amicalement de vous organiser en structurant trois équipes bien en amont.

 

Le choix d’une politique énergétique éolienne incompatible avec la résilience écosystémique

Alors pour nous, il ne s’agit pas de déplacer le projet de parc éolien plus loin de la côte afin d’éviter « le risque de rupture définitive de la virginité visuelle sur l’horizon marin » (M. Djillali Guenniche) mais de lutter contre sa réalisation.

Ni l’effondrement de la biodiversité terrestre, donc océanique, ni l’évolution climatique chaotique ne seront combattus par l’accaparement industriel de l’océan mondial par des installations énergétiques soi-disant vertes qui sapent déjà ses capacités de résilience ; physiques, chimiques et biologiques.

L’absence de réalisation des études environnementales indispensables avant même la pose de la fondation de la première éolienne en mer, l’aberration chronologique des procédures devant aboutir aux pilotes éoliens en mer, censés établir préalablement qualitativement et quantitativement et limiter les risques environnementaux d’une industrialisation massive, alors que celle-ci est déjà organisée par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) qui va être révisée encore à la hausse, l’hubris du gouvernement français et de notre Jupiter … méprisent leurs obligations essentielles de protection de la résilience des écosystèmes et des intérêts vitaux de la population française et plus généralement de l’humanité.

Encore et toujours ; « L’éolienne avant les bœufs » à défaut de charrue … dont le soc serait bien utile pour éviter aux gouvernants de « délirer ». De sortir du sillon du réel.

Le « fait du prince » de vouloir implanter 50 parcs éoliens à l’horizon 2050 est un de ces « délires hors-sol » ;

– hors du réel des capacités d’approvisionnement en terres rares et des tensions concurrentielles toujours plus fortes sur des ressources toujours plus rares ou contraintes

– hors de la compréhension fine des impacts physiques, chimiques et biologiques considérables de ces installations industrielles qui se généralisent « à grande vitesse » dans l’océan mondial.

 

Gouverner n’est pas procéder par des « effets d’annonces » pour « faire le buzz »

C’est avant tout estimer ce que le réel nous autorise ou pas, en déduire des politiques publiques solides car réalistes et les appliquer intelligemment dans l’intérêt général de la nation.

En ces temps de tensions géopolitiques et stratégiques, énergétiques, alimentaires, pharmaceutiques, minérales … qui remettent en cause « la mondialisation heureuse » telle que l’a pensé à notre place un ultralibéralisme impétueux et triomphant ;

– où la finitude de la survie du vivant est conditionnée pour la première fois de l’histoire terrestre au comportement d’une seule espèce ;

– avec le risque majeur d’une incapacité du rebond génétique intervenu lors des cinq effondrements de la biodiversité passés ;

– à cause de la contamination toxique globale de l’environnement et des espèces qui seules peuvent sauver la viabilité de l’avenir des générations actuelles et futures :

Le gouvernement français, comme l’union européenne, sous influence majeure allemande, a choisi une voie de transition énergétique éolienne et Enr en mer incompatible avec la transition écologique indispensable et avec la résilience des écosystèmes.

Par ce choix, il accompagne et même participe à l’effondrement irrémédiable de la biodiversité. C’est son choix. Ce n’est pas le nôtre.

 

Le chargé de communication de l’Atelier Anonymus,

Chrystophe Grellier