Avis du CNPN sur le projet éolien en mer de Dunkerque

12 Sep, 2023Communication0 commentaires

Le CNPN – Conseil National de la Protection de la Nature s’est réuni le 11 juillet 2023 en Commission Espèces et communautés biologiques pour donner son avis sur la Demande d’autorisation environnementale des promoteurs EMD (Eoliennes en Mer de Dunkerque) pour le projet éolien en mer de Dunkerque.

 

Conclusion de l’avis du CNPN

Au regard des forts enjeux écologiques associés aux habitats naturels et aux nombreuses espèces protégées présentes et impactées par ce projet, plusieurs lacunes significatives sont relevées en termes d’évaluation des impacts sur la biodiversité ainsi que des insuffisances dans les mesures proposées afin de réduire les incidences. Le dossier de dérogation conduit à une sous-estimation des incidences et conclut rapidement à une absence d’atteinte à l’état de conservation des 31 espèces identifiées avec seulement deux espèces concernées par des mesures compensatoires (Plongeon catmarin et Pipistrelle de Nathusius). De nombreuses espèces sont tout simplement omises. La proposition minimaliste de compensation pour deux espèces demeure inexplicable. Il aurait a minima fallu proposer davantage de mesures de réduction concernant le bruit, et proposer la mise en place de bridage.

Cette sous-évaluation des impacts du projet est problématique et résulte tant des lacunes liées aux méthodologies d’acquisition de données que d’une minimisation des impacts bruts et résiduels. Le CNPN considère que ce projet, situé sur des sites Natura 2000, dans un couloir migratoire d’importance internationale, ne peut avoir lieu sans nuire au maintien en bon état des populations des espèces protégées concernées, notamment du fait des effets cumulés avec les autres parcs.

De plus, une autre condition d’octroi de la dérogation n’est pas remplie : la recherche de solutions alternatives satisfaisantes de moindre impact. Dans ce contexte, le CNPN ne peut qu’émettre un avis défavorable à cette demande de dérogation, et précise qu’une dérogation ne saurait être accordée dans le cadre législatif en vigueur et découlant des directives européennes pour ce projet.

Le CNPN recommande à l’État de rechercher des zones de moindre enjeu pour atteindre les objectifs nationaux et européens en matière d’énergies marines renouvelables.

Document complet

 

Extraits choisis

 
« Le dossier présenté ne s’inscrit en réalité pas dans une approche prudente visant à retenir des niveaux d’impacts potentiels élevés, bien au contraire. » 
 
« L’emprise géographique du parc envisagé est prédéterminée et n’a pas fait l’objet d’une analyse (…) de recherche de zones de moindre impact à partir des nombreuses données scientifiques disponibles. »
 
« L’Etat aurait d’autant plus dû renoncer à cette zone de Dunkerque qu’elle se situe en zone Natura 2000, tant au titre de la Directive Habitats (ZSC) que de la Directive Oiseaux (ZPS), et que les contraintes d’activités humaines (double rail de navigation séparée Manche-Mer du Nord, couloir de navigation des ports de commerce locaux, radar, sans toutefois prise en compte des contraintes belges. (…) Le CNPN considérait enfin cette implantation comme l’une des pires situations. » 
 
« Le dossier du porteur de projet EMD-EDF minimise de manière surprenante l’impact du futur parc sur l’avifaune, avec une contradiction entre son dossier de 2023 et celui de RTE de 2021. 35 espèces patrimoniales rares sont concernées, dont 33 volent à hauteur des pales, et 10 espèces cumulent les enjeux les plus forts à l’échelle annuelle. Le dossier rapporte ainsi quelques centaines à quelques dizaines de milliers d’oiseaux marins au lieu de l’estimation d’1,3 million rapportée par le dossier RTE. Les migrations d’oiseaux terrestres la nuit sont complètement occultées par le dossier. » Omission des impacts « pour un nombre nettement plus élevé d’espèces, à commencer par les Mouettes tridactyles et pygmées, les labbes, les Fous de Bassan. »
 
« Au final, l’analyse est biaisée par la sur-représentation des enjeux halieutiques au détriment des enjeux de conservation des espèces protégées et listées. »
 
« Globalement le statut de conservation des mammifères marins et des poissons amphihalins (aloses, lamproies) dans ce site Natura 2000 est qualifié de défavorable à très défavorable à l’exception du Phoque veau marin. »
 
La séquence ERC n’est pas respectée puisque le dossier déclare « qu’aucune mesure d’évitement n’est envisageable puisque la construction et la présence du parc ne peuvent pas être évitées », et donc « aucune alternative réelle n’est présentée ». La mise en œuvre de la séquence ERC et l’objectif d’absence de perte nette ne sont pas respectés par le pétitionnaire et par l’État.
 
« Globalement, l’analyse finale des enjeux environnementaux sous-estime le nombre d’espèces protégées devant faire l’objet d’une attention particulière dans le contexte de la séquence ERC(…). A partir de l’analyse des enjeux, aucun poisson marin, ni amphihalin n’est finalement retenu malgré la valeur patrimoniale de espèces présentes. Et des espèces d’intérêt patrimonial comme le Dauphin à nez blanc (Lagénorhynque à bec blanc) et le Grand dauphin ne sont pas prises en compte. Parmi cette sélection de 31 espèces retenues dans la demande de dérogation, seules deux vont bénéficier de mesures compensatoires : une telle minimisation de la responsabilité de ce projet sur les espèces protégées ne manque pas de surprendre le CNPN. »
 
« En ce qui concerne les oiseaux, le CNPN considère que les mesures de réduction ne permettent pas de considérer que les impacts résiduels sont non significatifs. Si le pétitionnaire n’est pas en mesure de proposer des mesures compensatoires effectives pour tendre vers l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité, la loi prévoit que le projet ne peut être autorisé en l’état. »
 
« Le pétitionnaire a de toute évidence minimisé les impacts résiduels et donc la liste des espèces pour lesquelles il demande une dérogation, ce qui l’expose à de forts risques de poursuites pénales. »