Réflexions de l’Atelier Anonymus sur l’article : « les Ailes Toxiques – Dommages et accidents des pales d’éoliennes » publié par « the turbine group » le 7 mai 2023.

 

Quels chiffres et conséquences de ces accidents ?

La lecture de cet article pose de nombreuses interrogations et engendre des réflexions. D’après ses auteurs ; « Le but était d’obtenir des chiffres sur la fréquence à laquelle une éolienne moderne subit des dommages majeurs et/ou des pannes de lames. Ces chiffres pourraient être utilisés pour estimer l’étendue des émissions et les conséquences de la pollution du milieu naturel. »

Comme nous le martelons à l’Atelier Anonymus ;

« Tant que la composition chimique des matières, leurs quantités et les processus de fabrication de chaque modèle d’aérogénérateur et de chaque élément des parcs éoliens projetés ne sera pas rendu obligatoire dans les dossiers de demande d’autorisation, il sera impossible de déterminer précisément les effets et impacts physiques, chimiques, biologiques, ni qualitativement, ni quantitativement sur l’environnement marin et terrestre et la santé humaine. »

C’est ce que nous appelons le point zéro. La démarche des auteurs de « the turbine group » est donc logiquement rationnelle et louable mais se confronte à de nombreux dysfonctionnements juridiques ; étatiques et européens ; réglementaires et légaux, et à leurs conséquences sur l’instruction environnementale des dossiers de projets de parcs éoliens à terre et en mer.

 

Des études d’impacts impossibles à mettre en œuvre

De même, pour les suivis environnementaux des parcs. A partir du fait que la totalité des composants chimiques et des effets physiques ne sont soi-disant « pas connus des Etats » (cela n’a pas l’air de les déranger car rien ne doit entraver les développements éoliens massifs à terre et au surplus en mer, quoi qu’il en coûte) il est évident qu’il est impossible d’avancer sur l’Evitement, la Réduction, voire, l’illusoire Compensation des effets et impacts environnementaux et sanitaires des parcs éoliens.

Enfin, ces situations incompréhensibles, au premier abord, justifient que ni les industriels, ni les Etats, ni l’Union Européenne ne sont en mesure de corriger des impacts environnementaux dont ni la nature, ni l’ampleur ne sont déterminés ; pour la première en en amont, et la seconde en aval de la gestion des dossiers de demande d’autorisation des projets de parcs éoliens.

Quand vous achetez une baguette de pain issue d’un industriel, celui-ci est obligé d’en indiquer la composition précise. Vous n’accepteriez pas d’être intoxiqué par de la nourriture. Pourquoi accepteriez-vous plus que ; l’air, la terre, l’eau, les écosystèmes terrestres et océaniques, les plantes, les animaux terrestres ou marins que nous mangeons soient contaminés par ; des PFAs (polluants « éternels »), des amines époxydes (mimétiques des amines naturelles), des Bisphénols (perturbateurs endocriniens oestrogénomimétiques), des terres rares (Néodyme et Praséodyme perturbateurs ; des microbiotes, des métabolismes calciques, des membranes biologiques), des nanoparticules de fibres de verre… nous contaminent ? Et il ne s’agit ici que de quelques impacts chimiques. Les nombreux effets physiques environnementaux et sanitaires ne sont pas évoqués.

 

Les industriels ne communiquent pas sur ces chiffres

Les informations stratégiques de composition des aérogénérateurs et des procédés de production sont évidemment détenues par les industriels que des Etats prennent grand soin de ne pas déranger dans leur développement quelles qu’en soient ; les conséquences environnementales et de santé publique. En lien avec ces faits, l’article retient ; « qu’il y a peu de connaissances structurées et scientifiques à partager. » et « qu’il semble que les quelques chercheurs qui ont essayé de faire des recherches à ce sujet ont découvert qu’il existe peu ou pas de données sur ce problème et que les chiffres qui existent ne sont pas fiables. »

L’Atelier Anonymus partage évidemment les constats de « the turbine group » et sa déception ; « Nous avions espéré pouvoir contribuer avec des connaissances et des chiffres basés sur la recherche, mais cela a abouti à la reconnaissance qu’il n’y a pas de connaissances fiables et valides qui peuvent être utiles lors des analyses d’impact sur la santé, la sécurité et l’environnement pour l’impact des éoliennes sur la vie et la santé qui sont donc à préparer ».

Devant l’impossibilité matérielle d’atteindre son but initial à cause de l’insuffisance des données disponibles, « the turbine group » s’est tourné vers l’étude des coûts d’exploitation et de maintenance des parcs éoliens. « Cette reconnaissance est si inquiétante que nous nous sommes sentis obligés de partager des recherches qui montrent que les coûts d’exploitation et de maintenance augmentaient avec la taille des éoliennes, et qu’ils augmentaient en particulier pour les turbines marines. »

 

Des objectifs de développement gigantesques, avec une technologie non éprouvée et sans études d’impact

Les auteurs s’insurgent que : « Le monde occidental tout entier a énuméré et adopté des objectifs de développement gigantesques avec cette technologie non éprouvée, et cela sans avoir de base scientifique sur l’ampleur globale des conséquences pour la santé, la sécurité et l’environnement (SSE). »

L’introduction de l’article dit : « Il est difficile de donner une image fidèle de l’étendue des dommages subis par les pales des éoliennes et leurs causes. Cela est dû, entre autres, au fait que l’industrie éolienne garantit la confidentialité à ses acheteurs et utilisateurs. » Le double constat de l’absence de point zéro chimique et physique industriel dont une partie relève du secret industriel des brevets et de la confidentialité des incidents d’exploitation dépend de la volonté politique d’établir une réglementation contraignante pour les industriels.

Ce double constat est donc une difficulté surmontable. Il est insupportable qu’au niveau européen et plus généralement mondial « le secret des affaires » puisse revêtir une prévalence absolue sur l’avenir du vivant terrestre et océanique. Cela démontre à quel point « la corruption des esprits » de nombreux responsables politiques leur fait ignorer leurs responsabilités les plus essentielles ; protéger les milieux, les ressources alimentaires et la santé des populations dont ils ont la charge et qui les ont portées au pouvoir d’agir pour leur bien et pas pour des intérêts industriels, particuliers ou personnels.

L’article expose d’ailleurs : « Cependant, le fait que le l’industrie éolienne garantit le secret et que l’administration gouvernementale et les municipalités acceptent globalement d’être ignorants est bien sûr décisif. » Les données correspondent à des modèles anciens de faibles puissances et ne sont pas transposables aux méga-aérogénérateurs les plus récents.

Les auteurs insistent sur le fait que : « Les éoliennes offshore flottantes, qui représentent la prochaine étape du marché de l’énergie éolienne, sont de conceptions nouvelles avec des installations limitées. Défaillance, risque, fiabilité, disponibilité et maintenabilité ; les enquêtes sur ces équipements sont limitées par des données de défaillance et de fonctionnement indisponibles. »

 

3800 incidents par an

L’article poursuit : « En juin 2015, la propre publication de l’industrie éolienne » WindPower Monthly « a publié un article confirmant que « les pannes de lames annuelles sont estimées à environ 3 800 », sur la base de Gcube information. »Les pales de rotor d’éolienne tombent en panne à un rythme d’environ 3 800 par an, soit 0,54% des 700 000  pales qui fonctionnent dans le monde entier. »

L’assureur Gcube émet des statistiques annuelles et compense en partie des pertes matérielles et d’exploitation. Dans l’intérêt de la défense de la santé des populations et de l’environnement il est du plus grand intérêt que l’ensemble de ces données, même anonymisées, soient en libre accès. Mais il est hautement peu probable qu’elles le deviennent puisque l’intérêt des industriels prédomine sur notre santé et la résilience de la vie sur terre et dans les océans. C’est inadmissible.

 

Les conditions climatiques difficiles accélèrent la dégradation des pales

Les auteurs relèvent justement : « De plus, nous constatons que les éoliennes sont de plus en plus déployées dans des conditions climatiques plus difficiles. »
Il est évident que plus le nombre de secteurs faciles à équiper diminue, plus il est nécessaire d’installer les parcs dans des zones inhospitalières. C’est vrai à terre pour des pays désertiques une fois que le littoral est saturé ou inutilisable. Nous connaissons l’action solaire et l’érosion éolienne du sable sur les pales des rotors et la libération massive de Bisphénols, amines époxydes et plastiques tout comme en mer les embruns salins, le givre, la foudre et les bourrasques violentes dégradent de façon accélérée les pales. Sauf quand il s’agit de changements d’un grand nombre de pales dont il est difficile d’empêcher la médiatisation, de multiples accidents ne sont connus que par la population vivant à proximité.

La suite de l’article donne une information importante. « L’industrie de l’assurance (Gcube) a publié les notes suivantes sur les pannes d’éoliennes en 2018 : Le manquement des exploitants à exercer une diligence raisonnable suffisante par le biais de contrôles de maintenance est de plus en plus préoccupante ».
Comme nous l’avons évoqué dans plusieurs documents de l’AA, les maintenances et décisions de changement de matériels coûtent très cher aux industriels. D’autant plus en mer. Ils utilisent donc des capteurs qui les renseignent sur le fonctionnement des différents organes des éoliennes. Des logiciels permettent de calculer les incidences des usures sur la production d’électricité et d’aider à la décision d’intervention au moment ou vraiment, les pertes ne sont plus soutenables…c’est à dire tard. Le plus tard possible. Trop tard pour nous et l’environnement.

 

Une maintenance retardée pour augmenter la rentabilité … et la pollution

Cela a pour conséquence le choix de laisser l’usure augmenter donc d’accepter la pollution des milieux tant « qu’elle est rentable » économiquement.
Evidemment Gcube « est préoccupé » car les manques de diligences de contrôles de maintenance et réparatrices lui coûtent cher. Il est sollicité pour des sinistres plus importants…et les primes augmentent, justifiant une révision à la hausse des subventions publiques.
Bénéfices privés et externalisation des coûts vers le public…la recette de la réussite financière. Les auteurs poursuivent :

« Augmentation des temps d’arrêt et de maintenance
Le professeur Hughes est peut-être la personne qui a étudié les coûts et les temps d’arrêt des éoliennes le plus au monde. Dans une étude danoise, il a étudié 6 400 éoliennes au Danemark et a constaté que 80% des grandes turbines offshore seront hors service d’ici 7 ans. Pour les éoliennes terrestres, cela s’applique à 75 % d’ici 15 ans pour les plus grosses et à 80 % d’ici 18 ans pour les petits et 70% en 25 ans pour les plus petits. Hughes écrit que ces arrêts opérationnels inattendus augmentent les coûts d’exploitation (OPEX = les coûts d’exploitation). Il écrit en outre que les éoliennes ont également une perte d’effet annuelle (capacité réduite de production). Les conclusions du Danemark montrent que la capacité de production diminue de environ 3 % par an pour les éoliennes terrestres et 4,5 % par an pour les éoliennes marines.»

Nous avons choisi de reprendre in extenso ce passage car s’il était confirmé par d’autres sources il aurait des conséquences très importantes ; « Si le prix du marché de l’électricité ne devient pas monétairement plus élevé qu’aujourd’hui, il ne sera pas rentable d’entretenir les éoliennes après 12 à 15 ans. Ces résultats rompent radicalement avec les calculs d’investissement avec une durée de vie de 25-30 ans. » et ; « Il est important de souligner que Hughes a étudié des éoliennes relativement petites (de 0,5 MW à 2+MW) au Danemark. Les résultats ne sont donc pas directement transposables à aujourd’hui et à demain. Les éoliennes sont des machines de 4 MW à 15 MW. Mais la tendance dans les conclusions de Hughes est indiscutable et montre une augmentation spectaculaire du nombre d’interruptions imprévues avec l’augmentation de la taille des turbines. »

 

Les interventions de maintenance augmentent avec la taille des éoliennes

Le début de l’année 2023 a donné raison au professeur Hugues car Siemens Gamesa, General Electric, Vestas ont de grandes difficultés industrielles du fait du changement majeur d’échelle des aérogénérateurs (pales, composants…) sans compter les hausses de coûts d’approvisionnement. A partir des travaux de Jan Blomgren les auteurs écrivent ;

« Nous constatons  que les coûts de maintenance réels sont 260 % plus élevés que ce qu’indique l’industrie éolienne. C’est une forte indication que les blessures, les accidents et les pannes avec rejets/pollution ultérieurs et l’usure sont bien plus importantes que ce que l’industrie voudrait nous faire croire. En conséquence, la durée de vie opérationnelle et technique des éoliennes est beaucoup plus courte que ce que l’industrie voudrait que nous croyons. »

Il est évident que l’industrie éolienne ne veut pas reconnaître ses faiblesses et que ce sont les subventions et les aides publiques qui compensent ces baisses de rentabilité.

 

Un écart important entre les chiffres des promoteurs et la réalité

Svensk Vindenergi support de l’industrie éolienne a identifié 11 pannes alors que l’association d’opposants Motvind Suède a retrouvé la trace de plus de 50 accidents dans la presse Suédoise sur la même période. (données extraites de l’article de « the turbine group »). Les auteurs en concluent : « Encore une fois, on constate qu’il existe un écart important entre les chiffres de l’industrie éolienne et les vrais chiffres. » La différence s’explique par l’astuce qui consiste à placer le centre de contrôle à proximité mais à l’extérieur du parc. (données extraites de l’article de « the turbine group »).

« Les accidents où il n’y a personne sur le site n’ont pas besoin d’être signalés à l’Autorité de contrôle de l’environnement de travail. En conséquence, il n’y a aucune enquête par aucune autorité, mais la compagnie d’énergie éolienne a reçu son propre contrôle et la dissimulation du nombre d’accidents est possible.»
C’est un moyen peu élégant de tromper les autorités de contrôle. La Suède ne devrait-elle pas changer sa règlementation sous la pression de la population et de valeureuses associations comme Motvind Suède ?

 

Causes des dommages et des pannes

L’article se poursuit : « Différentes publications donnent des définitions quelque peu différentes, mais en général on peut dire que la cause des dommages et des pannes est

1. La foudre
2. La fatigue des matériaux
3. L’érosion et l’usure du bord d’attaque
4. Le givre et le glaçage

Les quatre points sont tous liés aux conditions climatiques qui exposent les ailes de la turbine à la charge. Ils sont tissés ensemble de telle manière qu’une cause peut contribuer au développement d’une ou plusieurs autres causes de blessures et d’accidents. Ils peuvent aussi à eux seuls entraîner des pannes et dommages.» Pour le givre et le glaçage cela montre que le système de chauffage des pales est peut ne pas être efficace.

« Il faut noter que les mécanismes d’endommagement des pales d’éoliennes sont fortement influencés par les effets environnementaux tels que l’humidité, les variations de température et le rayonnement ultraviolet (UV). » et ; « Cependant, la cause la plus importante de dommages par fatigue est le développement de la charge de forces fluctuantes. Le vent constitue la principale source de ces forces, en particulier en cas de vent des installations de parc dans des conditions fortement turbulentes. »

 

L’emplacement des éoliennes influe sur leur usure

Afin d’éviter des contraintes inutiles et une charge de matériau défavorable sur les lames, il s’agit d’une mesure importante pour avoir une distance suffisante entre les éoliennes. Cette conclusion rejoint celle de notre article sur « les effets de sillages » reprenant les recherches de l’équipe de Corinna Schrum. Il va y avoir une vrai difficulté avec les méga-aérogénérateurs.

Malgré le nombre moins important d’éoliennes par parc en mer, les effets de sillages vont considérablement augmenter en intensité et distance et il sera difficile de maintenir un espace inter-éolienne suffisant pour limiter des désordres des éoliennes « sous le vent », des pertes de charge, des usures anticipées et des stratifications de masses d’eau à près de 75 km de la limite des parcs. Nous craignons le pire de l’amplification « des effets de sillages » sur la température, le pH et la salinité des secteurs stratifiés et des perturbations sur la photosynthèse planctonique.

Une autre conclusion importante de l’article, qui rejoint celle que nous portons depuis longtemps ; « Nous sommes d’avis que la recherche sur les éoliennes ne peut suivre le rythme du développement des éoliennes. Cela signifie que la base de connaissances de nos décideurs et de nos administrations n’est pas pertinente en termes d’évaluations et de décisions sur l’avenir de l’industrie des turbines et les conséquences qu’elle peut avoir sur la vie et la santé. »

 

Une usure du bord d’attaque 1 à 2 ans après l’installation de l’éolienne

La conclusion de l’article de Boopathi K. et al. (2022) est le rappel de ce que nous savons déjà : « L’érosion du bord d’attaque peut être observée même 1 à 2 ans après l’installation de l’éolienne, tandis que les fissures structurelles sont observées le plus souvent seulement 5 à 8 ans après l’installation de l’éolienne.»

L’érosion des bords d’attaque et même parfois de fuite suite au fendillement du gelcoat intervient rapidement après la mise en service, même si elle est un peu moins précoce avec les nouveaux modèles de pales dentelées. Les fissures progressent par écartement chronique sous la charge et libération de PFAs, de Bisphénol, d’époxydes et de microfibres de verre jusqu’à devenir structurelles.

L’évolution entre la fissuration initiale et son devenir structurel est effectivement de 3 à 5 ans pendant lesquels les pertes de toxiques sont incidieuses. Elles sont rapides en cas de dégradation anticipée d’une large étendue du bord d’attaque. Il y a différentes typologies de dégradations que nous ne pouvons pas développer ici.

Comme il a été écrit plus haut, la décision d’intervention d’entretien n’est prise que tardivement pour des raisons de production et financières, donc que les libérations de polluants peuvent être majeures durant des années à la mesure du nombre d’éoliennes concernées.

C’est un bien triste tableau éolien que nous dépeint cet article. Triste, mais approchant la réalité. Que les auteurs, membres de « the turbine group » en soient chaleureusement remerciés.

Le chargé de communication de L’ATELIER ANONYMUS
Chrystophe Grellier