Une enquête publique volée

24 Nov, 2024Communication6 commentaires

Stupeur et écœurement, voilà les sentiments qui ont envahi nombre d’entre nous à la lecture de cette enquête publique. Comment une commission d’enquête publique peut émettre un avis favorable quand plus de 94% des contributeurs ont émis des avis défavorables ?

 
Malgré une participation record de 2882 contributions, dont plus de 94% étaient des avis défavorables et argumentés, la commission d’enquête publique a émis un avis FAVORABLE à l’implantation du projet des éoliennes en mer de #Dunkerque.

Ensemble des rapports officiels de l'enquête publique

Pourquoi un tel avis malgré une opposition massive et de qualité ?

 

Des commissaires enquêteurs vraiment neutres ?

Le premier point qui nous pose problème en tant que citoyen, est que nous avons appris que les commissaires enquêteurs, étaient payés de façon indirecte par les promoteurs. En effet, ils sont payés par le FOND D’INDEMNISATION DES COMMISSAIRES ENQUÊTEURS, financé par les promoteurs dont les dossiers sont en instruction. Et c’est le même système pour les animateurs du débat public. De part le financement, d’emblée, la neutralité des commissaires d’enquête est compromise. L’envie de rendre des rapports favorables aux promoteurs, afin de poursuivre d’autres missions, est le piège dans lequel les commissaires enquêteurs peuvent facilement tomber, surtout quand les rémunérations sont conséquentes.

Des rapports d’enquêtes imbuvables

Le dossier des promoteurs mis à disposition du public, déjà, comprenait plus de 1000 pages. C’est le meilleur moyen de détourner les habitants de ces projets, pourtant importants pour leur territoire. Le rapport d’enquête publique, quant à lui, se compose dans sa version complète de plus de 2000 pages !

Une opposition massive et de qualité

Outre les particuliers, ce sont les ONG et de nombreux organismes qui ont apporté des argumentations de grande qualité. Notre association, qualifiée de « collectif » dans ce rapport, a fourni un travail conséquent d’arguments sourcés pour dénoncer l’emplacement de ce projet. En voici le résultat ici, dont les références sont régulièrement mises à jour : https://ventdebout59.fr/arguments/

La participation à cette enquête publique a été qualifiée en off d’une véritable participation record pour une enquête publique.

 

Les incohérences, les erreurs et les mensonges de ce rapport

La lecture globale de ces rapports nous montre que la commission d’enquête écrit de nombreuses pages pour justifier le travail de qualité qu’elle a réalisé, en respectant notamment le cadre juridique. Quand le travail est de qualité, il n’est nul besoin de le justifier.

Nous trouvons surtout dans ces rapports une grande partie du dossier des promoteurs, reprenant la description détaillée du projet, et toutes les réponses qu’ils ont apporté aux critiques des avis de la CNPN et l’Autorité environnementale (Ae). La commission n’a fait que reporter l’ensemble de leurs réponses sans jamais vérifier la véracité ou l’intégrité des études citées, comme par exemple l’étude de « Vue sur Mer », cabinet créé à l’occasion du débat public du projet éolien en mer de Dieppe Le Tréport, qui fait l’éloge des sites industriels éoliens en mer sur le tourisme local, sauf que cette étude est financée par ENGIE Green, un promoteur éolien…

Voici les éléments qui nous ont posé problème dans ce dossier

Première conclusion d’autorisation environnementale pour RTE

La commission déclare que nous n’avons pas donné suite à notre demande de rencontre. De un, nous n’avons pas fait de demande particulière de rencontre, puisque nous avions l’intention d’aller rencontrer les membres de la commission. Et si la commission en avait la preuve, nous aurions aimé pouvoir y répondre. De deux, la commission laisse entendre que nous ne les avons pas rencontré, ce qui est faux puisque plusieurs membres de l’association, dont le président, sont allés à leur rencontre, déclarant qu’ils faisaient partie de l’association Vent Debout 59. Et nous leur avons laissé un dossier conséquent sur les arguments défavorables au projet.

C’est faux ! Les membres de l’association vent debout et d’autres personnes ont laissé des contributions orales, mais apparemment les commissaires n’ont pas pris la peine de restituer ces échanges. Idem pour la pétition ayant recueilli plus de 28.700 signatures, dont nous avons informé la commission mais qui affirme qu’aucune pétition ne leur a été remise.

Pourquoi la commission cherche à relativiser les simples avis en désaccord avec le projet ? Il nous semble que dans une démarche démocratique, chaque citoyen a le droit de donner son avis, qu’il soit motivé ou non. N’est-ce pas là le but de cette enquête !? La commission a-t-elle relativisé les avis qui se sont contentés de dire « oui » au projet ? Apparemment il n’y en a pas eu puisque les partisans du projet avaient tous « une bonne connaissance du projet » !

Les partisans du projet ont l’air d’avoir les faveurs de la commission puisqu’ils ont « une sensibilité plus fine des enjeux liés à la transition énergétique« .

Bizarrement la commission constate un « effet de caméléonisme » dans les arguments en défaveur du projet, mais pas forcement dans les arguments en faveur du projet. La commission « regrette que de nombreux citoyens voient l’enquête publique comme une pétition en ligne, un référendum ou un sondage d’opinions et pensent que c’est l’importance du nombre de contributeurs qui influencera la commission. » Quel est le but d’une enquête publique si ce n’est recueillir un sondage d’opinions et d’avis !? On se demande d’ailleurs après cette enquête, qu’est-ce qui peut influencer la commission ? Qui sont les personnes qui « méritent » d’être entendues !?

La commission « regrette que la majorité des contributeurs ne se soit pas investie dans l’appropriation du dossier. » C’est une blague !? Qui a le temps de se coltiner des dossiers de plus de 1000 pages pour émettre des avis qui fassent plaisir à la commission ? A part les professionnels du milieu ou les retraités, nous ne voyons pas.

Remarquez qu’à la fin du paragraphe la commission « prend acte » de l’ensemble des collectivités et associations qui soutiennent le projet car elles seules ont compris que la transition énergétique est un enjeu essentiel pour la lutte contre le réchauffement climatique. Cet aveu coupable, démontre la déconsidération de la commission vis à vis des associations qui ne verraient pas le projet éolien en mer comme « une opportunité pour le Dunkerquois« . Comment la commission peut-elle mettre de côté cet argument : le territoire n’a pas besoin de ce moyen de production électrique peu carboné puisqu’il possède déjà un moyen de production moins carboné et pilotable. Ajouter un moyen de production plus carboné et intermittent ne contribue au final qu’augmenter le réchauffement climatique.

C’est faux ! Les promoteurs n’ont pas répondu à certaines questions de l’Ae, notamment celle-ci :

« Le dossier ne démontre pas qu’il n’existe pas d’autres zones ou macro zones de moindre contrainte environnementale (par exemple hors site Natura 2000, ou plus éloignées du littoral qui concentre les enjeux environnementaux) et que ni l’État, ni le porteur de projet n’apportent pas d’éléments justifiant une localisation du parc éolien précisément dans un site Natura 2000. L’Ae partage par ailleurs pour l’essentiel les analyses développées dans l’avis du CNPN du 11 juillet 2023 sur la demande de dérogation. »

La commission estime que les promoteurs ont répondu aux questions de l’Ae et qu’ils sont de ce fait irréprochables.

Avis réputés favorables !? Qu’est ce que cela signifie ? Pourquoi ces avis sont-ils réputés favorables ? Dans un système démocratique, on ne classe pas dans les avis favorables, les personnes ou institutions qui ne se sont pas exprimées ! Nous avons même pu constater que des élus de certaines communes parce que la demande d’avis n’avait tout simplement pas été porté au vote du conseil municipal. Nous avons d’ailleurs écrit un article pour souligner ce manque de démocratie volontaire : https://ventdebout59.fr/leffrinckoucke-un-vote-favorable-qui-pose-question/ .  Nous pensons aussi à certains membres de Dunkerque Marina, qui étaient totalement opposés au projet et dont l’avis n’a pas été sollicité.

La commission se contredit en affirmant qu’elle n’a pas « pour objet l’approbation d’une politique communautaire et nationale », mais se permet de dire que la production d’électricité d’origine nucléaire fait courir des risques de santé publique. Sur quoi s’appuie-t-elle pour affirmer cela ? Quels sont les incidents majeurs relevés au niveau de la centrale nucléaire de Gravelines ? Nous avons démontré que la production éolienne, aussi faisait courir des risques de santé publique. Pourquoi n’en fait elle pas lieu ? Les commissaires enquêteurs seraient ils des anti nucléaires notoires ? Remettant en cause leur probité, et la rédaction de ce rapport ?

La commission « considère que l’abandon du parc éolien en mer au seul motif d’impact visuel ne peut se justifier au regard des bénéfices attendus en termes de santé publique ». Comment peut-elle ignorer qu’ajouter un moyen de production plus carboné que celui déjà existant sur le territoire est nocif pour le climat ? D’autant plus quand ce moyen de production rajouté est intermittent, et nécessite des centrales thermiques encore plus polluantes !? Le nucléaire ne permettant pas de compenser une centrale éolienne.

La commission cite une étude réalisée par le cabinet « Vues sur Mer » qui avait déjà été présentée lors du débat public pour le projet de Dieppe Le Tréport. Cette étude fait l’éloge des impacts positifs des sites industriels éolien en mer sur le tourisme local. Or la commission oublie de dire que ce cabinet a été crée avant le débat public de Dieppe Le Tréport, et que cette étude a été financée par Engie Green un promoteur éolien. Comment une commission de ce niveau a-t-elle pu omettre les liens d’intérêts de cette étude dont le financeur était l’un des promoteurs retenus pour le projet de Dieppe Le Tréport !?

La commission rejette l’ensemble des arguments des opposants en affirmant des informations non sourcées ou non vérifiées, mais plus problématique, elle reprend les mensonges des promoteurs comme par exemple sur l’affirmation que ce projet va alimenter 1 million d’habitant. Leur niveau de méconnaissance sur le sujet est alarmant. Ou leur malhonnêteté est telle qu’ils reprennent les informations des promoteurs, sachant pertinemment que ces informations sont fausses.

Ici la commission confesse que pour elle l’abandon du projet est une option inenvisageable, vu sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Alors que nous avons démontré qu’en France c’était faux ! C’est à se demander si les commissaires enquêteurs ne sont pas des écolos engagés dans la lutte contre le nucléaire, leur idéologie les rendant sourds à tout argument défavorable, quel qu’il soit.

Sur les aspects environnementaux, la commission estime que les réponses apportées par les promoteurs, suite aux avis défavorables des différentes autorités environnementales, suffisent à garantir l’objectif de « zéro perte nette de biodiversité » ! Incroyable, nous pouvons donc croire les promoteurs sur parole.

Comment une commission peut valider un objectif de « zéro perte nette de biodiversité » et cautionner des demandes de dérogation pour la destruction de plus de 31 espèces protégées !? Pour nous, la preuve est faite de la partialité des membres de la commission d’enquête publique.

Conclusion

Nous avons pointé ici les incohérences, erreurs et mensonges du premier rapport de la commission publique. Cette première analyse nous questionne forcément sur la partialité de la commission, celle-ci se contentant des réponses des promoteurs aux remarques qui leurs ont été faites par les autorités environnementales. Ils ont très souvent repris des mensonges véhiculés par les promoteurs, ce qui pour nous pose la question de la méconnaissance du sujet ou de la malhonnêteté consciente de cette commission.

Cet article se veut participatif, alors n’hésitez vous aussi à pointer en commentaires toutes les choses qui ne vont pas dans ces rapports.